Page 214 - Book-Patrimonia-Belgique
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En 1856, Rops atteint la majorité légale, fixée à 23 ans à l’époque. Grâce à l’héritage paternel, il
              entraîne à sa suite Charles De Coster et une partie de la rédaction du « Crocodile » pour fonder
              son propre journal, « Uylenspiegel, journal des ébats artistiques et littéraires ». Le titre n’est pas
              anodin : Rops se place dans la filiation de ce personnage frondeur, issu de la littérature
              flamande. Le sous-titre quant à lui se moque clairement du « Journal des débats artistiques et
              littéraires », publié à Paris depuis un demi-siècle. Ce quotidien était une véritable institution et,
              depuis 1851, soutenait ouvertement la politique de Napoléon III, que Rops et ses amis ne
              supportaient pas.

              Chaque numéro du journal comporte huit pages, dont deux lithographies de Rops.
              Ses caricatures sont féroces, son trait est mordant et juste. Il trouve dans le journal une
              véritable tribune où se dessine ainsi une première approche de cette « vie moderne » qu’il
              voudra toujours traquer. Les sujets de prédilection sont la critique artistique et littéraire, mais
              aussi la morale, les mœurs de l’époque, la politique.
              Félicien Rops a la volonté de dénoncer l’arrogance et l’hypocrisie de cette bourgeoisie assoiffée
              de reconnaissance, dont la légitimité, contrairement à l’aristocratie, ne repose plus sur une
              lignée mais sur l’argent, ces puissantes familles qui accumulent des fortunes gigantesques,
              participent au gouvernement, occupent des mandats publics (maire, députés…) et prennent
              ainsi une place prépondérante dans la société.

              Quand la caricature politique attire les foudres de la
              censure, les artistes orientent leurs traits incisifs
              vers des célébrités issues du domaine des arts.
              Peintres, comédiens, musiciens,… deviennent ainsi
              des cibles de choix et sans risque.
              Un type de représentation s’impose : celui du
              portrait à « grosse tête ». De nombreux
              caricaturistes reprendront ce procédé graphique,
              notamment Rops, qui l’introduit en Belgique grâce à
              sa « Galerie d’Uylenspiegel ».

              Mais l’aventure de l’ « Uylenspiegel » tourne court :
              Rops se marie le 16 février 1857 avec Charlotte
              Polet de Faveaux, fille d’un juge namurois, et
              retourne vivre dans sa ville natale. Ce départ,
              combiné à des difficultés financières, accélère la fin

              du journal, qui décline et cesse en 1864.                              Félicien Rops, Louis Namêche

              En 1863, Rops réalise l’une de ses oeuvres-maîtresses, Un enterrement au pays wallon. Souvent
              rapproché d’Un enterrement à Ornans de Courbet, l’oeuvre de Rops s’en distingue cependant
              par le traitement particulier qu’il accorde aux visages et postures.
              Elle se situe à la charnière de la caricature pure qu’il va peu à peu abandonner et du réalisme
              vers  lequel son trait va évoluer.

              De ses années bruxelloises, Félicien Rops conservera toute sa vie l’acuité du caricaturiste, qu’il
              utilisera pour dénoncer inlassablement les travers de ses contemporains et de cette
              bourgeoisie qu’il exècre. Ses « Cent légers croquis sans prétention pour réjouir les honnêtes
              gens », qu’il exécutera entre 1878 et 1881, ne parleront pas d’autre chose…




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